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Méditation de Mgr Brunin – 10 mai

mercredi 13 mai 2020Expression de l'évêque

Méditation 5ème dimanche de Pâques

Jésus, Présence et Chemin

Dans l’évangile de ce jour, Jean nous rapporte les propos que Jésus tient devant ses disciples pour leur annoncer qu’il se prépare à les quitter. Mais il laisse entrevoir que cette disparition ne sera ni complète, ni définitive. Il leur fait même une promesse : « Je pars vous préparer une place ».

Emmanuel…  à jamais !

Dans la suite de l’évangile de Jean, nous découvrons que Jésus tient promesse lorsque, dans sa prière au Père, il exige de Lui de vivre avec nous : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi… » (Jean 17, 24). Laissons-nous étonner encore par la fermeté du propos de Jésus. Lui qui dira au Jardin de Gethsémani : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36), se risque à poser une exigence dans la prière à Son Père : « je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi ». C’est l’unique fois dans l’évangile que nous surprenons Jésus à imposer quelque chose à Son Père. Et cela nous concerne au plus haut point. Comme il doit tenir à nous qu’il a sauvés du péché et de la mort, pour exprimer aussi fortement son désir de vivre avec nous pour toujours. Le Ressuscité est comme l’enfant de Bethléem, l’Emmanuel, le « Dieu avec nous ». Vainqueur de la mort, retournant vers le Père, il veut nous emmener avec Lui et demeurer avec nous. Il est attaché à ce point à nous, ses disciples.

Les derniers mots de l’évangile de Matthieu exprimeront encore, sous forme d’assurance donnée aux disciples qu’il envoie en mission dans le monde entier, cette même promesse : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28, 20)

Jésus n’est pas seulement un « chargé de mission » qui retournerait à la maison du Père sans se soucier des disciples qu’il laisse derrière lui. Il est authentiquement « le Premier-Né d’une multitude de frères » (Romains 8, 29) dont il n’entend pas être séparés. Et cela relève du non négociable !

Souvent, nous pensons qu’il nous faut vivre avec Jésus, en sa présence. Comme s’il fallait faire effort pour le rejoindre et durer en sa présence. Dans la vie d’un chrétien, Jésus est le toujours-déjà-présent ! Encore faut-il être disponible et accueillir sa parole pour discerner cette présence amie, bienveillante, toujours exigeante mais aussi tonifiante pour notre vie. Prenons du temps pour goûter cette présence en reprenant les paroles du chant :

Trouver dans ma vie ta présence

 Tenir une lampe allumée

 Choisir d’habiter la confiance

 Aimer et se savoir aimé

 

Une découverte de Dieu… à sens unique !

Les questions posées par Thomas et Philippe dans l’évangile de Jean que nous méditons, sont en fait celles des premiers chrétiens. Ceux-ci éprouvent des difficultés à comprendre comment le Ressuscité est présent dans leur vie de tous les jours. Sont-ils définitivement séparés de la présence de Jésus ressuscité ? Quelle est la relation entre Jésus et Dieu ? Où Jésus est-il allé ? Que doivent-ils faire pour vivre du Ressuscité ? Ces questions sont aussi les nôtres.

À la demande de Philippe « Seigneur, montre-nous le Père », Jésus répond que « Celui qui m’a vu a vu le Père ». C’était quelque chose de nouveau et d’étonnant et ce l’est encore pour nous et pour beaucoup de chrétiens. Trop souvent, nous faisons de Jésus, l’illustration de ce que nous pensons de Dieu, alors que c’est Jésus qui nous révèle le vrai Visage de Dieu. Tout ce que nous pouvons dire de Dieu part toujours de ce que nous révèle l’expérience humaine et singulière de Jésus de Nazareth. C’est un sens unique !

Bien plus, nous ne pouvons accéder à Dieu qu’en passant par le Christ qui se fait « Chemin, Vérité et Vie » : « personne ne va vers le Père sans passer par moi ». Les disciples de Jésus ne peuvent être des théistes qui se forgent des représentations de Dieu à partir de leur expérience humaine, de leurs convictions personnelles ou de leur situation sociale. Il nous faut démentir Voltaire qui écrivait : « Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu » (Le Sottisier, XXXII, 1883).

Jésus déconstruit sans cesse nos représentations de Dieu, toujours menacées de paganisation. Dans la réponse qu’il fait à Philippe, Jésus affirme que Dieu se donne à voir sur un visage d’homme, dans l’existence fragile d’un homme qui aime sans condition et jusqu’au bout. Oui, Dieu se donne à voir sur le visage de cet homme, Jésus, que nous découvrons en ouvrant quotidiennement les évangiles.

Interrogeons-nous sur nos façons de nous représenter Dieu… Qu’est-ce Jésus vient interroger et contester dans mes représentations spontanées de Dieu ? Evangélisons notre relation au Père en la faisant passer par Jésus. Dans son humanité, il est l’authentique visage de Dieu, sa plus belle icône. Il est l’incontournable voie donnant d’entrer en communion avec Dieu. Jésus n’est pas un dogme de foi, mais un compagnon et un frère qui nous introduit dans la connaissance de Dieu et la communion avec le Père. 

 

La Parole portée par l’Esprit Saint est présence de Jésus à nos vies

L’Esprit Saint promis aux apôtres et envoyé à la Pentecôte, assure durablement et indéfectiblement cette relation d’amitié entre eux et Jésus. Désormais, ils vivront du Christ. Depuis notre baptême, nous aussi, nous vivons de cet Esprit qui nous incorpore au Christ et nous tient en permanence en sa présence. Ce n’est pas seulement une relation sensible et affective, mais une relation qui prend corps et se consolide dans une mission. « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais ». Ayant reçu le don de l’Esprit Saint, les apôtres enfermés au Cénacle, ouvrent les portes pour annoncer la Bonne Nouvelle et accomplir les œuvres que Jésus a initiées durant sa vie terrestre. A l’homme infirme rencontré à la Belle Porte du Temple, par exemple, Pierre adresse cette parole : « au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche. » (Actes 3, 6)

Animés par l’Esprit Saint, nous vivons du Christ, attentifs à ce qu’Il nous demande de vivre. Sa présence nous maintient sans cesse en éveil. Elle est à la fois consolation, encouragement, mais aussi interpellation et exigence comme le pape François nous le rappelle :

« Aujourd’hui, Jésus te répète à toi aussi : « Courage, je suis près de toi, donne-moi de la place et ta vie changera ! ». Jésus frappe à la porte. C’est pourquoi le Seigneur te donne sa Parole, pour que tu l’accueilles comme la lettre d’amour qu’il a rédigée pour toi, pour te faire sentir qu’il est proche de toi. Sa Parole nous console et nous encourage. En même temps, elle provoque la conversion, elle nous secoue, nous libère de la paralysie de l’égoïsme. Parce que sa Parole a ce pouvoir : changer la vie, faire passer de l’obscurité à la lumière. Voilà la force de sa Parole.

La Parole qui nous sauve ne va pas à la recherche de lieux préservés, stérilisés, sûrs. Elle va dans nos complexités, dans nos ténèbres. Aujourd’hui comme hier, Dieu désire visiter ces lieux où nous pensons qu’il ne va pas. Que de fois c’est nous, au contraire, qui fermons la porte, préférant tenir cachées nos confusions, nos opacités et nos duplicités. Nous les scellons en nous, pendant que nous allons vers le Seigneur avec quelque prière formelle, en faisant attention que sa vérité ne nous secoue pas à l’intérieur… Jésus n’a pas peur d’explorer nos cœurs, nos lieux les plus rudes et les plus difficiles. Il sait que seul son pardon nous guérit, que seule sa présence nous transforme, que seule sa Parole nous renouvelle ». (Homélie du 26 janvier 2020)

 

Bon dimanche !

+ Jean-Luc BRUNIN

Évêque du Havre